
À première vue, les programmes de type coalition semblent avantageux. Toutefois, la coalition comportent des pièges pour les membres et les partenaires.
Deux types de coalition
Les programmes de coalition sont très populaires dans plusieurs pays occidentaux dont le Canada et le Royaume-Uni, mais beaucoup moins aux États-Unis, où il n’existe qu’un seul programme de ce type. Il existe en fait deux grands types de programmes de coalition, l’un assez courant et l’autre que l’on ne voit pas régulièrement. Le premier type de coalition est proposé au marché par un promoteur qui littéralement «invente» un programme en liant plusieurs entreprises se trouvant à agir comme les émetteurs de la bonification auprès des consommateurs. Au Canada, Air Miles et Aeroplan sont les deux exemples venant à l’esprit.
Le second type de coalition est beaucoup moins courant; il s’agit souvent d’une situation où une entreprise opérant son propre programme de fidélisation avec succès, décide d’ouvrir ses frontières et d’ajouter des partenaires à son programme dit «privé». Par exemple, si Starbucks décidait d’ajouter des partenaires à son programme qui deviendraient également des émetteurs d’étoiles (la bonification utilisée chez Starbucks).
Découvrez les programmes de type «coalition privée» dans notre article dédié au sujet.
Pour une entreprise qui désire utiliser un programme de fidélisation, il existe de nombreux avantages à joindre un programme de fidélisation de type coalition comme Air Miles ou Aéroplan:
- l’accès à une vaste base de données de clients (plus de 10 millions de membres pour Air Miles et plus de 4 millions pour Aéroplan)
- un programme clé en main
- une infrastructure de loyauté déjà en place
- des partenaires multiples
La saga Air Miles
Par contre, la récente saga Air Miles révèle les pièges de la coalition et les limites de cette stratégie de fidélisation… Afin d’améliorer sa rentabilité et de réduire son risque financier (estimé entre 180 et 250 millions de dollars US1,2), la compagnie mère d’Air Miles, Alliance Data du Texas, a annoncé en 2011 que les points non utilisés viendraient à expiration au 1er janvier 2017.
Nous connaissons la suite: poursuite collective des membres, législation de certaines provinces canadiennes, incapacité de Loyalty One, la compagnie qui gère le programme au Canada, à répondre aux questions des consommateurs relativement aux demandes d’échanges de milles aériens. Un cafouillis qui fera désormais partie des «business case» qui seront étudiés dans les facultés universitaires de gestion, marketing et relations publiques.
C’est ce qui a amené Alliance Data à revenir sur sa décision le 30 décembre dernier soit quelques jours avant la date butoir. Dernièrement, la compagnie a décidé d’augmenter le nombre de milles nécessaires à l’échange d’un forfait vacance ou d’un forfait croisière, ce qui équivaudrait à une baisse de 20 % de la valeur des miles Air Miles 2.
La suite
Il y a fort à parier que cette histoire est loin d’être terminée, puisque l’impact sur les membres du programme ne représente qu’une partie de l’équation. Les partenaires d’affaires d’Air Miles ont sûrement pu mesurer les dommages causés par la perte de confiance des consommateurs envers la devise Air Miles. Les entreprises-partenaires de cette coalition doivent se sentir ébranlés et même frustrés face à la façon cavalière dont leurs clients et eux-mêmes ont été traités par Air Miles. Plusieurs de ces partenaires canadiens émettent des miles Air Miles depuis plus de 15 ans et versent annuellement des millions de dollars à Air Miles pour l’achat de milles.
La seconde partie de l’équation pourrait se jouer dans les prochains mois, puisque plusieurs partenaires d’affaires d’Air Miles sont sûrement en train de revoir leurs options et évaluer les implications juridiques des modifications aux termes et conditions du programme ainsi que l’impact de ces modifications sur leur propre réputation auprès de leurs consommateurs.
Est-ce que certains partenaires mettront fin à leur entente avec Air Miles ou ne renouvelleront simplement pas leur contrat?
Les pièges de la coalition
Cette aventure nous renseigne davantage sur les dangers des programmes de coalition et sur ce qui est difficile à prévoir lorsque l’on s’engage à titre de partenaire d’affaires dans une telle stratégie de fidélisation. Le cas Air Miles illustre bien à quel point l’émetteur de la devise peut faire dérailler un programme en changeant les règles du jeu et les termes et conditions d’un programme.
Qu’en est-il d’Aéroplan? On se souvient que ce programme avait également tenté, il y a plusieurs années, d’instaurer une date de péremption sur ses milles et qu’il avait dû revenir sur sa décision à la suite de pressions exercées par ses membres. Aujourd’hui, Aéroplan arrive aussi à un moment décisif de son histoire avec l’échéance du contrat qui le lie à Air Canada, son plus important client. L’article paru le 17 février dans Les Affaires résume bien la situation3.
Espérons que la nouvelle entente entre Aéroplan et Air Canada ne se fera pas au détriment des membres du programme et que les dirigeants d’Aéroplan auront pris bonne note des répercussions qu’engendre une diminution de la valeur de la devise d’un programme ainsi que du bris de la relation de confiance avec ses membres.
Prévoir les changements en douceur
Nous voyons régulièrement dans des organisations des exemples de changements à des règlements ou termes et conditions. Le sport professionnel illustre avec justesse ce propos. Autant dans le hockey, le baseball ou le football professionnel, des changements aux règlements sont proposés afin d’améliorer le produit offert aux clients. Cependant dans tous les cas, de telles modifications s’effectuent suite à une approbation des partenaires (les équipes) et de nombreux sondages auprès de la clientèle. Un programme de coalition qui ne valide pas auprès de ses partenaires-émetteurs des changements importants à ses termes et conditions, est destiné à subir les contrecoups de la part des membres du programme et des partenaires insatisfaits. C’est là l’un des pièges de la coalition.
Selon nous, chez R3, le développement d’un programme privé demeure la meilleure option pour une entreprise qui considère l’utilisation d’un programme de fidélisation. Les meilleurs programmes, soit ceux qui génèrent le plus d’engagement et de valeur pour les clients, ne sont-ils pas tous ou presque tous issus d’une stratégie privée? On a qu’à penser à Tesco, metro&moi, Starbucks, Optimum, etc. Ils n’ont pas à subir les décisions d’une autre entreprise ni les pièges du système de coalition.